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Résultats des thermodiscoplasties au laser Holmium-YAG par décompression puis thermomodulation sur les lombalgies

Daniel GASTAMBIDE *, Valérie AURILLAC – LAVIGNOLLE** *Centre Tourville, Paris ** ARC - ISPED - GECSA - Unité INSERM 593 (ex U330), Bordeaux

De nombreuses techniques ont été essayées dans le traitement des lombalgies. Les indications opératoires étaient classiquement très limitées à certaines lombalgies discogéniques. Le laser intradiscal a donné des espoirs théoriques : à moyennes énergies, il a un effet de décompression par vaporisation de la substance discale ; à basses énergies, il a un effet thermique dont les deux conséquences les plus connues sont la diminution de volume du tissu collagénique ou « shrinkage » et la dénervation au niveau des fibres nociceptives amyéliniques. Une 3ème conséquence moins connue est la prolifération des cellules cartilagineuses du disque.

But de l’étude est d’évaluer  les résultats des thermodiscoplasties laser sur les lombalgies rebelles, d’origine discogénique.


Matériel et méthodes
Critères d’inclusion

1. Lombalgies isolées ou supérieure ou égale à une sciatique associée après échec d’un traitement médical bien conduit depuis plus de 6 mois
2. Images de lésions dégénératives et douleur lombaire provoquée lors de la discographie
3. Suivi du patient post-opératoire de plus de 12 mois
4. Réponse par écrit individuellement aux questionnaires d’évaluation de la douleur lombaire et radiculaire sur une échelle visuelle analogique suivi du l’évaluation fonctionnelle de Dallas validée en France remplis la veille de l’opération, puis à 1 mois, 3 mois, 6 mois et 12 mois
5. Lecture des résultats du questionnaire par un observateur indépendant


Critères d’exclusion
1. Spondylolisthésis dégénératif
2. Dislocation intervertébrale sus jacente
3. Toxicomanie
4. Grossesse
5. Psychopathie avérée sous traitement spécifique


Sur 114 patients opérés par discectomie endoscopique transforaminale assistée au laser Ho-YAG depuis juillet 2003, 52 présentaient des lombalgies égales ou supérieures à la radiculalgie.
26 ont un recul de plus d’un an,
25 ont répondu au questionnaire à 12 mois


Technique
Sous neuroleptanalgésie, et anesthésie locale, en décubitus latéral, sous contrôle par amplificateur de brillance, une discographie « provocative » est effectuée, reproduisant la douleur lombaire habituelle ; l’injection de produit opaque montre un disque dégénératif et une ou plusieurs fissures dont l’une se prolonge en arrière au niveau de la protrusion  ou la hernie discale.  Une discectomie endoscopique transforaminale à l’aide d’un endoscope à 4 canaux dont un tube de travail de 2,7 mm pour fibre laser, est effectuée à la pince et complétée par une discoplastie au laser Holmium-YAG, en 3 points médians du 1/3 postérieur du disque, à mi-distance entre les deux plateaux vertébraux ; elle comprend d’abord une décompression par vaporisation avec 50 Joules pour chaque point, soit 1,5 joules et 800 microsecondes par impulsion, 20 Hertz, soit 30 Watts, puis une thermomodulation en 3 autres points adjacents avec aussi 50 joules par point avec une énergie par impulsion moins importante : 0,7 Joules et  800 microsecondes par impulsion,  à18 Hertz, soit 14 Watts. Le lever le soir même de l’intervention, la sortie a lieu le lendemain. Un examen clinique est effectué à 1 mois, 3mois, 6 mois et 1 an, et ainsi qu’une réponse écrite aux questionnaires de Dallas.
Sur les 25 opérés d’âge  médian   43 ans (étendue inter-quartile [IQ] : 37-59)44343 (extrêmes 22 et 76 ans), pour un sex ratio de 12/13 suivis à un an, nous notons 7 en L5S1, 4 en L4L5, 2 en L3L4, 1 en L2L3, 5 en L4L5S1, 4 en L3L4L5, 1 en L2L4L5S1, et 1 en L2L3L4L5, soit 38 niveaux opérés en tout.


Résultats à un an
L EVA (échelle visuelle analogique) lombaire est passée en un an en médiane de   8 (IQ: 8-10) à   5 (IQ :3-6) ,  soit un gain de 3 points et une amélioration en médiane de 42,2% .

L EVA radiculaire en médiane a baissé  de  7 (IQ : 6-8) à   3  (IQ :1-6,5) soit gain de  4 points et amélioration  de 55,6%.

La cotation fonctionnelle selon les critères de Dallas (aucun symptôme 0, maximum des symptômes 400) est passée en médiane de  250 à  143 soit une amélioration de 24,4%. Ces améliorations  au niveau lombaire, radiculaire et fonctionnel sont significatives au test de Signed Rank (p<10-4).
Selon les critères de Mac Nab modifiés, nous avons 2 excellents résultats, 10 très bons, 5 bons, et 8 échecs. Dans les 12 excellents et très bons résultats, l’amélioration de l’EVA lombaire était de  5 points, soit 62,5%; l’amélioration de l’EVA radiculaire de  3,5 points, soit 77,5%; l’amélioration fonctionnelle de  171 points soit 69,3%. Dans les 5 bons résultats, l’amélioration de l’EVA lombaire était de   4 points, soit 44,4%, de l’EVA radiculaire de   4 points soit 44,4%, l’amélioration fonctionnelle 32 points soit 16,0%.
Sur les 8 échecs, 3 ont subi une intervention chirurgicale après avoir présenté un très bon résultat pendant 4 mois, 8 mois et 12 mois (une stabilisation souple, une arthrodèse, une discectomie itérative) ; 5 ont présenté une amélioration minime ou nulle.
Suivant l’étage vertébral opéré, nous notons  6 succès sur  7 en L5S1, 3 succès sur  4 en L4L5, 1 succès sur 2 en L3L4, et 1 échec sur 1 en L2L3. Les patients opérés à plusieurs niveaux présentent 6 succès sur 11.
Les résultats suivant la taille de la hernie discale associée à la lombalgie ne montrent pas de différence significative selon que la hernie est petite, ou protrusion,  ou moyenne, entre 15 et 25% du diamètre antéropostérieur du canal médullaire.
Les résultats suivant l’existence d’une zone d’hyperintensité en T2 (HIZ) au niveau de la saillie discale montrent sur 24 patients (1 dossier IRM non retrouvé),  17 HIZ sur au moins un disque opéré avec  11 bons résultats et  6 échecs ;  sur les   7 patients sans HIZ, on note 3 bons résultats et 4 échecs.  Autrement dit, l’existence d’une HIZ chez un lombalgique objectiverait sa douleur lombaire, répondrait bien à la thermodiscoplastie au laser, mais le nombre de patients est insuffisant ici pour être statistiquement significatif. L’absence de HIZ chez un lombalgique devrait faire rechercher une instabilité associée.

Les complications que nous avons rencontrées sont : 2 dysesthésies post opératoires spontanément régressives en 2 semaines, 1 fistule durale devenue symptomatique 1 semaine  après l’opération et spontanément régressive. Il n’y a pas eu de trouble neurologique ni d’infection.


Discussion
Nous n’avons pas trouvé de littérature concernant le traitement par laser endoscopique des lombalgies plus importantes que les radiculalgies prises séparément dans la statistique. McMillan3 décrit les résultats de 32 patients présentant une lombalgie discogénique traités par thermodiscoplastie percutanée au laser Nd.YAG (PLDD) avec de bons résultats après 3 mois, mais une détérioration  des douleurs lombaires pendant les 3 premiers mois postopératoires. La détérioration temporaire des lombalgies n’apparait pas dans notre technique qui associe une endoscopie et l’exérèse de fragments de substance discale à la pince, et nous semble due à un œdème discal localisé autour de la zone de vaporisation qui ne peut se décomprimer par une « porte de sortie » sur la paroi discale. Yeung5 nous a montré ses résultats favorables avec la thermomodulation à l’électrode bipolaire sous endoscopie. Casper2 nous a montré au congrès de l’IMLAS  à Istanbul les bons résultats à 2 ans dans les lombalgies traitées au laser et ne discute pas les protrusions discales et les HIZ associées


Conclusion

La discoplastie au laser permet de traiter avec un succès intéressant à 1 an de nombreuses lombosciatiques à prédominance lombalgique, surtout s’il existe une zone d’hyperintensité en T2. La discographie « provocative » reste indispensable pour confirmer le caractère discogénique de la douleur.

 
Bibliographie
Aprill C., Bogduk N., High intensity zone: a sign of painful lumbar disc on magnetic resonance imaging, Br J Radiol. 1992 May;65(773):361-369
Casper G.D., Hartmann V.L.; Evolving methodology in Treating Discogenic Back Pain by Selective Endoscopic Thermal Annuloplasty for treatment of low back pain secondary to degenerative disc disease; IMLAS, Istanbul, June 22-25, 2005
McMillan MR, Patterson PA, Parker V., Percutaneous laser disc decompression for the treatment of discogenic lumbar pain and sciatica: a preliminary report with 3-month follow-up in a general pain clinic population; Photomed Laser Surg. 2004 Oct;22(5):434-8.
Mordon S., Wang T., Fleurisse L., Creusy L. ; Laser cartilage reshaping in an in vivo rabbit model using a 1.54 µm Er :Glass laser; Lasers in Surgery and Medecine, Vol 34,Issue 4, pp315-322
Tsou P.M., Yeung C.A., Yeung A.T., Posterolateral transforaminale selective endoscopic discectomy and thermal annuloplasty for chronnic lumbar discogenic pain: a minimal access visualized intradiscal surgical procedure, The Spine Jounal 4 (2004) 564-573