Informations médicales

Diagnostic de l'instabilité lombaire (en dehors des pathologies inflammatoires, infectieuses et tumorales)

D. GASTAMBIDE, J.C. GARNIER

L'instabilité lombaire peur se définir comme un concept biomécanique caractérisée par une mobilité qualitativement anormale entre deux vertèbres dans un ou plusieurs plans

L'instabilité lombaire peur se définir comme un concept biomécanique caractérisée par une mobilité qualitativement anormale entre deux vertèbres dans un ou plusieurs plans:

  • Dans le plan sagittal, il s'agit d'une translation antéropostérieure anormale,
  • Dans le plan frontal, d'une translation anormale en inclinaison latérale,
  • Dans le plan horizontal, de mouvement anormal de rotation axiale

 
Nous excluons de cette catégorie de rachis instables, les rachis des sujets globalement hyperlaxes où l'hypermobilité n'entraine pas toujours d'instabilité.


Il s'y associe à l'instabilité un processus évolutif biochimique  touchant le joint intervertébral, associant à des degrés divers, perte en eau, modifications des fibres collagènes et des protéoglycans, intervention des enzymes de l'inflammation dont la phospholipase A2, puis progressivement dégénérescence, avec une diminution de hauteur du disque.


Cette pathologie du mouvement, liée aux mouvements extrêmes, entravant un mouvement normal , évolue dans le temps: les modifications qualitatives nécessaires au premier accident douloureux d'instabilité et aux suivants aggrave progressivement une instabilité minime lors du premier accident douloureux, entraine une déstabilisation ou "dystabilité",  et d'éventuelles malpositions et essais de restabilisation naturelle.

 

A chaque situation correspond une symptomatologie faite de lombalgies ou de radiculalgies particulières.


Comment se présentent donc nos patients chez lesquels on suspecte une instabilité?


Les formes primitives d'instabilité

au début

c'est le stade de la dégénérescence discale débutante isolée (stade 1) sans épisode de hernie discale aigue. Il correspond à une insuffisance discale progressive.


La clinique peut être:
-  Un lumbago banal de quelques heures ou quelques jours, sans impulsivité à la toux, sans signe de Lasègue, où les mouvements usuels

   sont douloureux, surtout s'ils sont effectués rapidement et brutalement en position extrême. Les douleurs sont souvent fugaces,

   brutales  aux mouvements extrêmes et vifs, ou de surprise. La douleur apparait souvent quelle que soit la position en situation  

   prolongée. A ce stade, les douleurs sont calmées par le repos   

-  Des "à coups douloureux bloquants lombaires": crises douloureuses lombaires vives, d'installation soudaine, sans effort déclenchant,   

   accompagnées d'une brusque sensation de blocage rachidien, clouant le sujet sur place, cessant spontanément en une à deux minutes,

   mais se reproduisant fréquemment pendant quelques semaines ou mois, pour disparaître ensuite"


-  L'examen physique

  • En  position debout recherche attentivement un signe du ressaut au relèvement de la position en flexion antérieure;
  • En position  couchée, un syndrome local qui se traduira par une douleur à la pression directe ou latérale d'une épineuse. On peut déclencher une douleur lombaire vive, reconnue par le patient, lors du retour de la manoeuvre de Lasègue, genou en extension. Ce signe serait un des meilleurs en faveur de l'instabilité.
  • Le reste de l'examen est assez pauvre; l'interrogatoire est ici essentiel.


-  Sur les radiographies du rachis lombaire, demandées du fait de la persistance de lombalgies, effectuées debout de face et de profil, on  

   peut noter déjà:

  • Une modification de l'interligne des facettes articulaires, élargissement, pincement ou bâillement asymétrique,
  • Une ébauche d' éperons de Mac Nab, calcifications marquant les insertions les plus antérieures du disque sur le bord antérieur du corps Vertébral, témoins probables de microdéchirures à répétition;
  • Un arrondissement ou condensation de l'angle antéro-supérieur, qui témoigne déjà d'une rotation anormale débutante du corps sus-jacent autour de ce point.


-  La tomodensitométrie à ce stade n'est pas justifiée par les "Références Médicales Opposables", pas plus que l'Imagerie par Résonance Magnétique.

 
L'évolution à ce stade se fait vers une amélioration sous rééducation active aidée du rachis lombaire et du bassin: souvent il existe une cyphose lombaire excessive favorisée par une rétraction des ischio-jambiers;il faut prescrire une rééducation en position indifférente en verrouillage lombaire avec étirement des ischio-jambiers de façon à restaurer l'antéversion du bassin et la lordose lombaire. Parfois, à l'opposé, il préexiste une  lordose excessive, et nous prescrirons une rééducation  en cyphose avec étirement des fléchisseurs de hanche (fig. xx et yy)


fig xx: lordose et rétraction des fléchisseurs de hanche, cyphose et rétraction des ischio-jambiers


fig xx: plus l'angle d'incidence est grand, plus la lordose doit être grande; plus I est faible, plus la lordose doit être faible.


 

à un stade plus évolué,
la dégénérescence des articulaires postérieures, se surajoute à la dégénérescence discale.
Sur le plan clinique, la lombalgie  devient chronique bilatérale avec ou sans prédominance unilatérale, lancinante, sourde, permanente, en position assise ou debout, accompagnée de douleurs en éclair plus fréquentes, lors des mouvements, bien soulagées par le repos en décubitus. L'examen clinique reste assez pauvre, mais la raideur apparait, et les mouvements deviennent plus limités.
On distingue debout :
une souffrance, soit par excès de convergence : hypercoaptation créant une arthrose lombaire articulaire postérieure avec douleur unilatérale à l'hyperextension homologue latéralisée (fig aa), soit par excès de divergence: décoaptation créant une subluxation permanente articulaire postérieure, donc une instabilité articulaire postérieure, avec douleur à la flexion- rotation du tronc, et à l'extension hétérologue (fig bb).
L'examen couché est identique à celui du stade un.
Les radiographies à ce stade 2  comprennent des clichés statiques lombaires de face et de profil, et montrent des signes plus évidents de déstabilisation: anté- ou rétro- listhésis, image gazeuse intradiscale. Si nous demandons des clichés dynamiques, de profil assis centré sur L5S1, nous pourrons mettre en évidence un bâillement postérieur en flexion de plus de 6 degrés avec une hauteur discale postérieure de plus du double de la hauteur discale antérieure, et/ou une translation antéro-postérieure ou glissement de plus de 4 mm. Nous demandons moins souvent des clichés en inclinaison latérale ou "bending" et l'on peut voir une translation latérale.
Parfois le scanner dynamique ou twist test permet de mesurer l'hypermobilité facettaire en torsion: un écart de plus de 2 mm est en faveur d'un phénomène de subluxation: compression, distraction, et donc d'une instabilité..


 

plus tard encore
le disque et l'articulaire postérieure continuent à dégénérer, et apparaissent des instabilités rotatoires prédominantes sources de déstabilisation et de malposition.
Cliniquement, aux lombalgies viennent s'ajouter:

 

Deux types de radiculalgies :

  • soit un syndrome disco-radiculaire classique, correspondant volontiers à une symptomatologie de hernie discale postéro-latérale, avec des radiculalgies dans un territoire précis, sans qu'une hernie soit nette en imagerie;
  • soit un syndrome du recessus correspondant à une sténose foraminale, dont la cause peut siéger en avant, au niveau du disque plus ou moins saillant dans le foramen, sans véritable hernie, ou en arrière du fait de l'hypertrophie arthrosique du massif articulaire postérieur, ou, plus souvent, à la fois en avant et en arrière.


Des cellulomyalgies dues à la souffrance des rameaux postérieurs au contact des articulaires postérieures, et, à distance, des sciatiques référées

 

  1. Nous étudierons ici quelques cas particuliers explicatifs de la situation:
    Dans les spondylolisthésis du sujet jeune par lyse isthmique, on notera volontiers sur des clichés dynamiques, une translation antéro-postérieure.
    L'instabilité sera souvent asymptomatique de découverte fortuite.
    La lombalgie apparaîtra souvent en position debout prolongée, à la fatigue en fin de journée, aggravée en lordose.
    L'examen debout recherche une touche de piano sur l'épineuse de l'arc postérieur anormalement mobile.
    Parfois existe une sciatique: il s'agit volontiers d'une radiculalgie suspendue (sciatique tronquée), avec étirement des racines de l'étage sus-jacent, et compression au niveau local par des nodules de Gill. Notons que l'étage L5S1 reste souvent plus stable que le L4L5.
  2. Dans les spondylolisthésis du sujet âgé après 50 ans, l'instabilité devient "tranlationnelle" et rotatoire.
    Sur le plan clinique, la sciatique, de type "canalaire récessus" devient progressivement "canalaire centrale" par compression de la racine et déformation plastique des éléments osseux: il s'agit d'un dislocation rotatoire bien visible au scanner. La luxation asymétrique des articulaires postérieures qui en résultera entraîner par compression un rétrécissement du foramen par la saillie de l'apophyse articulaire inférieure, une compression de la racine, et, pour finir, un phénomène de cisaillement du sac dural.
    Des parésthésies sans Lasègue d'évolution lente et prolongée sans troubles des réflexes, puis progressivement une claudication de type canalaire avec soulagement en cyphose, feront leur apparition.
    Parfois la sciatique est de type foraminal: l'anatomie foraminale était modifiée du fait de la rotation; il n'est pas rare d'aboutir à une atteinte polyradiculaire fréquente évoluant vers une polyradiculalgie permanente de repos.
  3. Dans les scolioses dégénératives du sujet âgé de plus de 50 ans, c'est l'apparition à ce niveau de la malposition par dislocation qui peut être ouvert ou fermée. La dislocation est ouverte lorsque le bâillement discal s'opère du côté du glissement, elle est dite fermée lorsque le pincement s'effectue du côté du glissement.
    Dans une dislocation ouverte, la rotation dépasse toujours 10 degrés, l'angle de Cobb dépasse 40 degrés. La sciatique est de type "canalaire rotatoire" du côté opposé au glissement par compression.
    Dans une dislocation fermée, la sciatique est de type foraminale du côté du glissement par compression; si la sciatique est du côté opposé, elle se fait par un mécanisme d'étirement.
    Dans tous les cas, s'il existe une sténose importante avec symptomatologie franche, une IRM précoce ou une saccoradiculographie permettront de programmer au mieux la levée de la compression.


très tardivement
à la déstabilisation- malposition répond dans le temps un essai de restabilisation naturelle, avec parfois retour vers l'indolence.


 


 


Les formes secondaires d'instabilité (après intervention chirurgicale)

La question primordiale qui se pose alors est:  existait- il une instabilité préexistante à l'intervention?

car à elles seules les instabilités post-opératoires sont à reconnaître dans

90% des radiculalgies par canal lombaire étroit opéré par simple décompression sans geste de stabilisation complémentaire,

60% des chémonucléolyses- 45% sont transitoires, 15% définitives

50% des "nucléotomies"- 35% transitoire, 15% définitives.

40% des discectomies chirurgicales conventionnelles

(statistique de B. Lavignolle)


 


1 - Après chémonucléolyse

  • Lorsque le pincement est complet ?, on note le plus souvent des lombalgies précoces, calmées à long terme, associée à un rétrolisthésis articulaire postérieur sur les clichés radiographiques.
  • Si le pincement est incomplet ?, on peut conclure le plus souvent à une inactivité partielle de la papaïne. La lombalgie est alors persistante à long terme.

2 - après nucléotomie percutanée ou après chirurgie conventionnelle pour hernie discale, la persistance ou la survenue d'un pincement asymétrique entraine une instabilité avec ou sans glisssement

3 - après laminoarthrectomie plus ou moins étendue,  l'instabilité est d'autant plus importante  que les résections ostéoligamentaires ont été larges

4 - après arthrodèse, les instabilités apparaissant à la limite supérieure ou inférieure de la fusion, souvent à distance de l'intervention (délai supérieur à 5 ans): c'est le problème du cisaillement d'un disque très sollicité devenu hypermobile au dessus d'une arthrodèse.

 

En conclusion

  • Il faut reconnaitre l'extrême complexité de la clinique.
  • L'instabilité ne se dépeint que comme un faisceau d'arguments clinique, radiologiques, voire électriques avant toute décision du choix du traitement soit conservateur ou chirurgical.
  • Il faut être prudent dans l'interprétation des signes et ne pas hésiter à revenir sur l'interrogatoire du patient.
  • Il ne faut pas créer d'instabilité inutile, et ne pas méconnaître une instabilité antérieure

 

Sur un plan thérapeutique, 3 interrogations:

  • à     Quelle place au traitement conservateur aujourd'hui?
  • à     Faut-il opérer les lombalgiques instables présentant d'importantes dislocations?
  • à     Quel devenir à long terme de toutes les chirurgies proposées?


Bibliographie


  1. Les Instabilités Vertébrales Lombaires, J. DUPARC, A SCHREIBER, O. TROISIER, sous la direction de D. GASTAMBIDE, Expansion Scientifique Française, 1995
  2. Spondylolisthésis rotatoire, M.RUNGE, J.F. BONNEVILLE, Rhumatologie Pratique, N° 90, 18 février 1993
  3. Scoliose Lombaire Idiopathique de l'adulte, Masson, Collection de Pathologie Locomotrice, B. Bloc et L. SIMON, J.L. TASSIN
  4. Symposium Rachis GIEDA 1993, D. GASTAMBIDE, O. TROISIER, J.C. GARNIER
  5. Séminaire International sur l'Instabilité Intervertébrale Lombaire 15 et 16 mars 1991, B. LAVIGNOLLE, H. GRAF, J.Ph. LEMAIRE