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Histoire naturelle du processus dégénératif d'un segment intervertébral lombaire

Docteur Jean-Claude Garnier

La notion d'instabilité est à la mode. De quoi s'agit il vraiment ? Comment évolue la pathologie d'un disque et d'un segment intervertébral ? Nous avons la notion d'un concept biomécanique qui nécessite une mobilité anormale entre deux vertèbres, avec ou sans hernie discale. S'y associe, reconnu depuis peu, un concept biochimique.

Tout disque qui dégénère, en premier perd de l'eau, modifie sa structure interne par l'action des protéoglicanes mais aussi par l'action enzymatique, phospholipase, métalloprotéase.


Ce qui nous intéresse, c'est que cette pathologie évolue dans le temps et elle est liée également à la notion de mouvement. Mouvement extrême à l'origine du problème et, ultérieurement peur du mouvement, qui retardera les effets thérapeutiques du patient, très souvent.


Que se passe t-il au début ?
Nous avons la notion d'une insuffisance discale. L'insuffisance discale débute par une mobilité anormale, c'est l'insuffisance discale progressive. C'est un lumbago aigu ou une lombalgie banale avec épisodes sub-aigus, a coups douloureux bloquants, mais différent de la hernie discale. Il n'y a pas de notion d'impulsivité à la toux, pas de Lasègue. Souvent, on repère une douleur du membre inférieur en extension, le malade couché.


Le syndrome local rachidien est plus ou moins prononcé. Ce qui caractérise ce début d'insuffisance  discale est la douleur brutale, fugace, aux mouvements extrêmes ou brutaux, la douleur en position prolongée, encore calmée par le repos.


L'évolution est soit favorable ou passe à la chronicité, nous arrivons au stade ultérieur.


Debout, au relèvement de la flexion antérieure, on peut percevoir un ressaut et couché, le patient souffre d'une douleur à la pression épineuse. Nous ne sommes pas dans une phase de raideur.


Dans le cas d'une hernie discale associée, le lumbago est aigu avec des signes locaux plus nets, contractures, attitudes antalgiques, flexion antérieure limitée, évolution plus rapide vers une sciatique. Elle est alors impulsive à la toux avec un Lasègue, parfois une parésie ou un déficit moteur, le territoire est bien défini.


Les radios peuvent ne rien montrer ou déjà un début de friction. Témoins radiologiques, les éperons de Mac Nab, avec pincement progressif, bâillement électif parfois anormal ou déjà, asymétrie des facettes prédictifs d'une pathologie articulaire postérieure.


Il faut savoir qu'à ce stade, le scanner et l'IRM ne sont pas justifiés mais peut-être que si une IRM est faite à titre documentaire, on peut retrouver un stade inflammatoire au début du disque malade et au stade 2 en particulier, un hyper-signal, de part et d'autre du disque, qui signe l'inflammation.


Parfois l'hypo-signal du disque lui-même, en T2, signe une perte en eau.


A ce stade très précis, il faut se méfier des sujets hyper-laxes, leur hyper-mobilité n'est pas toujours signe d'instabilité discale. Ce méfier aussi des lombalgies localisées avec causalgies superficielles au pincé-roulé, des dérangements inter-vertébraux mineurs de Maigne, on est piégé par les rameaux postérieurs, au voisinage des articulaires postérieurs, qui simulent la douleur à ce moment là, donc, intérêt des manipulations selon la règle des non douleurs.


Le maintien d'une bonne statique adaptée à chaque individu, l'amélioration d'une lombalgie en cyphose du fait d'une lordose excessive, ou inversement, en lordose du fait d'une cyphose lombaire excessive. Cas en général plus difficile : celui du dos plat.


Pour tout acte thérapeutique, il faut savoir respecter la lordose individuelle de chacun par une bonne mesure de la lordose et étudier l'équilibre du bassin. Tout déséquilibre du bassin peut entraîner une lombalgie d'origine musculo-ligamentaire. Les muscles spinaux déficients, une raideur des ischio-jambiers sont source potentielle de déséquilibre lombo-pelvien et d'instabilité.


Ce sont souvent des lombalgies de début de journée cédant à l'échauffement, ces déséquilibres sont à traiter par rééducation, levée des contractures et exercices d'étirement, correction d'éventuels troubles statiques non scoliotiques par semelles plantaires. Ces lombalgies peuvent se chroniciser si les troubles ne sont pas corrigés. De toutes façons, tout faire pour éviter le passage à la chronicité à ce stade.


Par la mesure de la rachimétrie, on distinguera deux angles essentiels :

L'incidence pelvienne et la flèche de lordose.

Pour une flèche de lordose importante, il faudra qu'il y ai un angle d'incidence fort, une flèche de lordose faible pour une incidence faible.


La cause mécanique possible de début de souffrance discale est justement, quelquefois dans le non respect de cet équilibre.


Nous passons à un stade plus évolué de la maladie.


A l'insuffisance discale, se sur-ajoute la dégénérescence articulaire postérieure. La lombalgie banale devient chronique, en barre, sourde et permanente, associée à des douleurs en éclairs plus fréquentes aux mouvements, cédant moins bien au repos et apparition d'une raideur plus importante.


Les points para-vertébraux, en regard des articulaires postérieurs, sont douloureux à la pression, le reste de l'examen clinique est pauvre.


Les articulaires postérieurs souffrent par excès de convergence, arthrose ou excès de divergence, sub-luxation permanente.


A ce stade, les radios sont plus évidentes au niveau de la déstabilisation en statique. L'orientation facettaire montre quelquefois des plans différents. On a plus nettement une apparition du remaniement articulaire postérieur et surtout apparaît le spondylolisthésis ou le rétrolisthésis, le pincement est alors plus évolué, apparaissent plus souvent des gaz intra-discaux  et les articulaires postérieurs sont pathologiques, arthrosiques, parfois même, présence de kystes articulaires postérieurs.


L'intérêt, à ce niveau, des clichés dynamiques mais qui doivent être bien réalisés, y compris scanner ou twist test.


Plus tardivement encore, la dégénérescence discale, la souffrance de l'articulaire postérieur s'accompagne d'une instabilité rotatoire prédominante, à l'étage ou à d'autres étages. C'est la déstabilisation mal-position.


Souvent, ce sont des lombalgies, toujours chroniques, plus rarement des radiculalgies, mais lorsqu' elles existent, elles ne sont plus du tout classiques. Ce sont des radiculalgies à type de cellulalgies, de type canalaire étroit, radiculaires par étirements ou compressions.


Nous devons étudier les cas particuliers que sont :


Le spondylolisthésis par lyse isthmique du sujet jeune, un peu à part, qui peut cependant évoluer, dans quelques rares cas, vers un spondylolisthésis dégénératif.


Le spondylolisthésis dégénératif, après 50 ans, sur rachis préalable sain.


La scoliose dégénérative apparaissant après 50 ans.


Un mot sur les instabilités secondaires


Le spondylolisthésis par lyse isthmique du sujet jeune.

Surtout une translation antéro-postérieure, dynamique possible. Elle est souvent asymptomatique et elle est révélées lors d'un effort, d'un sport déterminé, au bout d'un certain temps. La lombalgie apparaît debout, elle augmente à la lordose, on retrouve souvent le signe de « touche de piano » et parfois l'on a des sciatiques suspendues par étirement (étage sus-jacent) Ou alors on peut avoir une compression au niveau local par la compression d'un nodule de Gilles.

Le caractère tronqué de la sciatique est favorisé par l'étirement des ischio-jambiers, une douleur L4 L5 . En général, en L5 S1, l'étage est plus stable.


Le spondylolisthésis dégénératif, après 50 ans.

On a la notion d'instabilité translationnelle et rotatoire. On décrit deux types de sciatique.

La sciatique de type recessus étroit qui évoluera secondairement vers un canal central étroit possible, mais pas toujours.A ce moment là, il y aura une prédominance de l'arthrose bilatérale à tous les niveaux. La déformation est plastique, on a une dislocation rotatoire, une possibilité de luxation avec cisaillement des racines.

La douleur de la sciatique de type recessus est la douleur debout, en lordose, unilatérale, avec possible kyste postérieur, associée et exagérée à l'hyper-extension unilatérale. C'est assez pathognomonique avec des paresthésies, claudications sans Lasègue et l'évolution lente de cette «sympto-pathologie» radiculaire en général, et surtout un soulagement en cyphose.


La sciatique de type foraminal, modifiée anatomiquement par la rotation, est une sciatique de sténose. Poly-radiculalgie fréquente, radiculalgie de repos. Se méfier des cruralgies (en radiculalgie, c'est souvent la cruralgie mais mal définie, une L3, ou une L4, un peu L5, avec un territoire atypique. Devant une cruralgie en territoire atypique, une douleur inguinale, penser à une sciatique de type foraminal modifiée.

Les phénomènes rotatoires et compressifs se rencontrent dans le spondylolisthésis dégénératif après 50 ans et dans la dislocation ouverte des scolioses dégénératives.


La scoliose dégénérative après 50 ans

On décrit deux types de déformation plastique.

La dislocation ouverte avec bâillement du côté du glissement.

La dislocation fermée avec glissement du côté du pincement.


Dans le cas de la dislocation ouverte, on a une sciatique de type canalaire, du côté opposé au glissement, par compression rotation.

Dans la dislocation fermée, on a une sciatique foraminale, du côté du glissement par compression.

Si la sciatique se fait du côté opposé, c'est un étirement, à ce moment là.

L'intérêt de l'IRM ou plutôt même de la sacco-radiculographie pour juger la compression.

Encore une fois, les radiculalgies ne sont pas toujours prédominantes, les lombalgies sont souvent plus fréquentes, elles sont mécaniques et augmentent en toutes circonstances à la fatigue.

Enfin, très tardivement, le segment intervertébral passe de la déstabilisation mal-position à un essai de re-stabilisation naturelle, avec parfois une indolence retrouvée.

Classiquement, l'on dit : "tout va s'arranger à votre retraite Monsieur"


Les instabilités secondaires.

La grande question est de savoir s'il existait une instabilité préexistante à l'intervention.

Les instabilités post-opératoires se rencontrent très souvent dans les re-calibrages pour canaux lombaires étroits, lorsque la lamino-arthrectomie est tendue, avec ou sans résection herniaire.

Elles se rencontrent également dans les suites de chémonucléolyses, on assiste très souvent, alors, à un pincement complet avec rétrolisthésis et lombalgie précoce ou un pincement incomplet, qui témoigne d'une inactivité partielle de la papaïne, avec une lombalgie à long terme. Mais les nucléotomies sont également pourvoyeuses d'instabilité. Il persiste souvent un fragment mobile et un pincement asymétrique apparaît à la longue.


40% des discectomie chirurgicales conventionnelles sont également incriminées et il existe toujours le problème de l'étage au-dessus d'une arthrodèse, au-delà de 5 ans.


Conclusion
Dans cet essai, nous constatons qu'il existe toujours une extrême complexité à décrire l'instabilité. Complexité de la définition, en fonction du stade évolutif, complexité de la clinique et complexité de la thérapeutique.

L'instabilité peut se définir comme un faisceau d'arguments cliniques, radiologiques, voire électriques. Avant prise de décision thérapeutique, conservateur ou chirurgicale, nous devons rester prudents dans l'interprétation des signes, ne pas hésiter à revenir sur l'interrogatoire, ne pas créer d'instabilité inutile et ne pas méconnaître une instabilité antérieure.

Aujourd'hui, reste d'actualité, au niveau thérapeutique, la place des traitements conservateurs.

Faut-il opérer les lombalgiques instables, même préventivement dans les dislocations ?

Quel est le devenir à long terme de toutes les chirurgies proposées aujourd'hui ?