Publications scientifiques

Le laser Holmium-YAG dans la chirurgie endoscopique du rachis.

D. Gastambide (Centre Tourville, Paris) (Revue Rachis, octobre 2003)

L’arrivée du laser Holmium-YAG de dernière génération pour le traitement endoscopique des pathologies lombaires doit faciliter la technique opératoire et améliorer les résultats.

Aspects historiques

La chirurgie de la hernie discale a commencé dans les années 30 avec Mixter et Barr, et a été améliorée par l’utilisation du microscope opératoire dans les années 60.
La chémonucléolyse avec Liman Smith dans les années 70 a réalisé le premier traitement mini-invasif.
La discectomie percutanée a été initiée dans les années 70 par Hijikata. Elle a été complétée par l’introduction de l’endoscopie du foramen dans les années 80 (Suesawa, Schreiber et Leu, Kambin et Hermantin, Monteiro et l’auteur, Mayer et Brock, Benazet et Roy-Camille, enfin Lavignolle et Senegas).


L’apparition du laser au début des années 90 a permis le traitement intradiscal des hernies contenues par l’intermédiaire d’une fibre laser introduite dans une aiguille sous contrôle radiologique (Choi en 1992). La mise au point et la commercialisation d’endoscopes de petit calibre permettant le passage de fibres laser dans la fin des années 90 a réalisé un progrès notable en autorisant le traitement de toutes les hernies, les contenues comme les exclues, sous contrôle visuel endoscopique (Mathews en 1996, Yeung en 1997, et Knight en 2001).


L’utilisation du laser restait limitée sur les modèles devenus classiques par une dissipation énergétique et/ou thermique trop importante qui pouvait provoquer des dégâts et entraînait de trop fréquentes dysesthésies post opératoires,  comme le laser Holmium-YAG (Yttrium, Aluminium, Grenat) de première génération.

L’appareil Ho-YAG de nouvelle génération, actif sans échauffement des structures nerveuses, est apparu dans les années 2000 et réalise un véritable progrès. Laser « de contact » pulsé, son originalité est de pouvoir faire varier la durée d’impulsion entre 150 et 800 microsecondes, à l’inverse des appareils de 1ère génération dont la durée d’impulsion ne peut être modifiée, obligeant à programmer une double impulsion pour compenser la nécessité d’une haute énergie. Il d’adapte ainsi à chaque temps du protocole opératoire de discectomie endoscopique en utilisant des paramètres différents selon la cible de tir laser : longues durées d’impulsion et hautes énergies pour vaporiser le disque, longues durées d’impulsion et basses énergies pour la thermodiscoplastie qui modifie les fibres collagènes en les durcissant et en les collant, courte durée et énergie moyenne pour l’élargissement osseux du foramen, de façon à supprimer tout risque d’échauffement délétère des tissus adjacents (Fig. 1)

Fig 1 : Effet des différents types de laser sur un tissu biologique ; la zone de dissipation thermique est représentée en grisé

 

La technique de discectomie endoscopique transforaminale

Elle est effectuée sur un patient, en décubitus ventral ou latéral, sous neuroleptanalgésie, sous contrôle par amplificateur de brillance, de face et de profil, avec un coussin de Kambin cyphosant. L’abord cutané se fait à distance de la ligne médiane (10 à 18 cm) suivant la situation du massif articulaire par rapport au foramen, et suivant la corpulence du patient, de façon à pénétrer le disque au voisinage de la hernie.
Une chromodiscogaphie est effectuée en premier lieu. Elle permet de faire le test de douleur provoquée, d’obtenir une image de la hernie et du degré de dégénérescence du disque (cotation de Dallas), et d’injecter en même temps que le produit radio-opaque, de l’indigocarmin qui colore en bleu les fragments discaux dégénérés.
Différentes canules de dilatation préparent le trajet de l’endoscope après anesthésie locale.
Dans les foramens étroits, une abrasion du massif articulaire est effectuée soit avec une tréphine soit avec un laser de façon à pénétrer plus vers le milieu du bord postérieur du disque.
Une cavité postéro-latérale est créée dans le disque avec le laser. La hernie est récupérée à travers cette cavité de travail, en utilisant des pinces, après abrasion à la pince de la paroi postérieure du disque (Fig. 2)
Les problèmes de saignement sont réglés pas à pas avec le laser ou le bistouri à radiofréquence bipolaire.
L’exploration endoscopique du disque recherche les fragments dégénérés d’annulus colorés en bleu par l’indigocarmin qui sont vaporisés au laser (hautes énergies).
Une thermomodulation au laser à basse énergie du tiers postérieur du disque va permettre de modifier la substance discale qui se rétracte pour éviter toute récidive de hernie (shrinkage ou rétraction fibreuse).
Toute cette intervention se fait sous contrôle endoscopique, avec un système de lavage sous pression (arthropompe), rendu plus efficace par une aspiration associée, qui élimine tous les débris.

L’intervention dure environ une heure.

L’opérateur et le patient, qui ont dialogué ensemble durant toute l’intervention, ont pu vérifier en per-opératoire la disparition de la symptomatologie, disparition qui se confirme dans les suites.
Le patient se lève le soir même et peut sortir accompagné, sinon il sort le lendemain.

 

La neuroleptanalgésie est nécessaire pour vérifier chez le patient vigile, l’absence de toute irritation traumatique d’un élément nerveux.

Figure 2 : Excision sous endoscopie d’une hernie lombaire non contenue ou exclue. A partir de la fenêtre foraminale dans l’annulus, l’opérateur  creuse le tunnel de travail (flèche creuse) et la cavité de travail (flèche pleine). L’orifice de l’annulus est libéré à la pince comme sur le dessin. La cavité de travail est élargie du côté de l’annulus avec le laser Holmium yttrium-aluminium-grenat. Ensuite, les fragments exclus sont tirés d’abord dans la cavité de travail, puis retirés par le tunnel de travail (d’après Yeung)


 

Résultats

Les résultats du laser Holmium YAG de première génération  que nous présentons ici doivent être améliorés avec les lasers de deuxième génération.

1) Au niveau lombaire
Pour Yeung 15, avec la technique laser endoscopie : sur 307 patients, avec un recul minimum de 1 an (classification de Mac Nab modifiée) :
·    succès : 274 (89,3%),
·    échecs : 33 (10,7%) ; sur 11 réinterventions : 1 suture de brèche durale, 2 « nettoyages » de discite infectieuse, 3 pédicules congénitalement courts, 3 sténoses foraminales, 2 récidives de hernie discale et 2 fragments discaux restants.
·    complications majeures et mineures : 11 (3,5%):

  • infections profondes : 2
  • thrombophlébites : 2
  • dysesthésie : 6
  • brèche durale par endoscopie : 1
  • brèche vasculaire : 0
  • décès : 0


Knight donne, dans le traitement de 250 lombosciatiques comprenant 75 reprises de chirurgie conventionnelle, avec un recul de 2 ans, 74% de succès pour la lombalgie, 77% pour les douleurs fessières, et 75% pour les radiculalgies, avec 1,6% de complications

 

S.H. Lee (Séoul) donne 95% de succès sur plus de 2 000 cas.

2) Dans la chirurgie cervicale, dont l’intervention nécessite une instrumentation miniaturisée et se fait par une très courte voie d’abord antérieure sous contrôle endoscopique, Chiu, sur 200 patients, a 94,5% de succès à 1 an. Sa technique consiste à enlever la hernie avec des pinces, puis à effectuer une thermodiscoplastie ou shrinkage de l’annulus avec un laser à tir latéral. Knight se contente d’une simple thermodiscoplastie sans endoscopie.
Lee 10de son côté donne 93% de bons résultats en s’aidant du laser sous endoscopie.

Discussion

Les techniques moins sophistiquées donnent des résultats satisfaisants (Hermantin) sur des hernies non exclues, non récidivées et sans sténose foraminale arthrosique associée.
Le laser permet une extension des indications.
Ses avantages sont :
-  intervention effectuée en ambulatoire, sous anesthésie locale et neuroleptanalgésie
-  résultat appréciable dans l’immédiat
-  pas de saignement per et post opératoire par l’effet coagulant du laser  (possibilité de traiter les patients sous anticoagulants dont les compressions osseuses par prolifération arthrosique doivent être traitées)
-  taux de complications minimal
-  traitement des hernies exclues, des récidives, des sténoses foraminales avec arthrose (Fig. 3)

 

 

 

 

Figure 3 : Décompression endoscopique du foramen sur un canal étroit arthrosique avec hypertrophie articulaire postérieure ; A : Excision de la partie antérieure de la compression au niveau de l’annulus ; B : La décompression du foramen est complétée par l’ablation du composant dorsal osseux. Le laser  Holmium yttrium-aluminum-grenat est dirigé en arrière  à l’aide d’une fibre laser incurvable pour enlever la partie profonde ou antérieure de la facette articulaire supérieure de la vertèbre sous jacente (d’après Yeung)

Conclusions

L’amélioration apportée par le laser à la chirurgie endoscopique du rachis paraît incontestable. Les progrès réalisés par le laser Holmium-YAG de dernière génération donnent la plus grande sécurité par l’absence de risque de dissipation thermique délétère, et devra réduire les complications à type de dysesthésie séquellaire d’origine thermique à un taux proche de 0.


Le laser agit de 3 façons lors d’une même intervention :
1. vaporisation du disque,
2. rétraction des fibres collagènes (shrinkage)  ou thermodiscoplastie, où  il remplace avantageusement la chémonucléolyse qui était grevée de suites lombalgiques et d’un risque allergique et neurologique.
3. fragmentation de l’os

Les techniques laser de discectomie endoscopique continuent d’évoluer aux Etats-Unis, en Angleterre, en Corée et en Allemagne. En France, elles sont utilisées par Benoit Lavignolle, professeur de rééducation et Eric Gozlan, médecin de rééducation fonctionnelle, successeur d’Olivier Troisier.

L’acquisition d’un appareil Laser Ho-YAG de dernière génération nous permet de confirmer la qualité des résultats précédemment publiés (près de 90% de patients satisfaits et traités lors d’une hospitalisation de moins de 24 heures).

La demande des patients paraît de plus en plus importante pour cette chirurgie ambulatoire, très sécurisante, et son risque de morbidité reste bien en deçà de la chirurgie conventionnelle.
Des voies d’avenir sont ouvertes :
- traitement des fibroses épidurales avec ce type de laser,
- arthrodèses percutanées par des cages « expendables » de Gepstein, tant au niveau lombaire que cervical,
- prothèses percutanées (prothèse de disque en spirale de Husson).

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